L’appellation pervers narcissique est à la mode. Banalisée par la presse grand public elle semble se confondre dans le langage courant avec la notion de manipulation. Cette action de formation visera à distinguer la pathologie réelle, à en reprendre l'historique et à pouvoir aborder la pathologie à partir des thérapies psychodynamiques. Dans le cadre de la psychanalyse la perversion narcissique est une notion issue de l'association de deux notions freudiennes, perversion et narcissisme, et c'est dans ce cadre que Racamier propose cette représentation. L'article originel (1- invoque Freud à de nombreuses reprises et utilise la sexualisation de la psyché en parlant d'«orgasme psychotique du moi » et d'« érotisation des défenses » pour intituler les chapitres qui précédent celui intitulé « perversions narcissiques » (p. I30

6-. Racamier propose dans le cadre de cette théorie le principe d'une réorganisation psychique alternative à la psychose, mais utilisant pourtant les mêmes ressorts d'«érotisation des défenses », dans un cadre théorique nouveau. Une distinction peut alors être présentée relativement à la perversion « non narcissique » et au trouble de la personnalité narcissique. Popularisation de la notion : Une incarnation de la notion de perversion narcissique a été faite par l'ouvrage d'Alberto Eiguer en 1989 Le Pervers narcissique et son complice. Et cette idée « du pervers narcissique », très marquante, est restée même si Racamier a ensuite bien signifié qu'il parlait pour sa part des « mouvements pervers narcissiques » au pluriel, décrivant des processus interpersonnels, relatifs aux familles et aux groupes, n'étant pas assimilables à un processus intrapsychique. Puis c'est la notion de harcèlement moral, décrite par Marie-France Hirigoyen en 1998 , qui a mis en lumière un type d'acte pouvant être le fait du personnage préalablement décrit du pervers narcissique. C'est alors une véritable notion populaire qui a émergé, reprise dans de nombreux articles de magazines et ouvrages divers. Le terme s'est alors étendu dans la psychologie populaire commune, où il a pris des sens qui relèvent d'un jugement de valeur. On enseigne ainsi en 2013 dans une école d'avocats que : « L’utilisation de la notion du pervers narcissique, notion psychanalytique, est devenue inquiétante tant l’expression est galvaudée et employée sans qu’un diagnostic médical ait été porté par un médecin psychiatre ». Le thème ainsi fortement relayé dans les médias, l'est au travers le plus souvent d'une stigmatisation du « pervers narcissique », et non plus de la notion de perversion narcissique elle-même. Ce phénomène de la dérive de l'idée originelle abouti à la question : «Le pervers narcissique existe-t-il vraiment ? ». Ni la classification internationale des maladies (CIM), ni le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), ni la classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent (CFTMEA) ne parlent de « perversion narcissique ». Mais la perversion narcissique est une pathologie psychiatrique grave faisant le lien entre l'état et l'acte commis (Entre psychose et perversion narcissique. Une clinique de l'horreur: les tueurs en série D Zagury - Evolution psychiatrique, 1996 - Dunod). Par l'étymologie, la perversion est définie par l'« action de détourner quelque chose de sa vraie nature ». La perversion comme trouble pervers, rapporté à une personnalité perverse, est donc l'inclination à détourner les choses de leur vraie nature. La psychiatrie définit ainsi une organisation perverse caractérisée par « une apparence de génitalité, de fonctionnement social adapté et mentalisé ». En fait, on a affaire à un « déni de la réalité. » « Le pervers se croit donc à l'origine de la loi. Lui-même fera sa loi. Ainsi, il sera d’un part délinquant, et d'autre part indélicat. » « Le pervers n'a pas un désir, mais un besoin demandant une satisfaction immédiate. L'autre n'existe pas. » Ce DPC permettra de revenir à la clinique, et à partir des fondements diagnostics et conceptuels d’aborder la thérapie des patients dans le cadre ainsi défini. 1 • Paul-Claude Racamier : Génie des origines, 4e partie p. 279–340, Payot, 1992 ; réédition de cette partie sous le titre Les Perversions narcissiques, Payot, 2012