Résumé
Rappel du contexte :
Les psychiatres découvrent couramment des situations de violence, de maltraitance ou de négligence au cours des soins qu’ils prodiguent aux patients, ce qui est une problématique transversale à tous les publics vulnérables (enfants, personnes handicapées, personnes âgées) ou pouvant le devenir (personnes vivant en couple une relation d’emprise). Ils peuvent dans certains cas être conduits à s’interroger sur la nécessité et le bien-fondé, voire l’obligation, de se positionner au-delà du cadre du seul colloque singulier ou de l’entretien familial. En effet, face à ces publics vulnérables la pratique médicale, notamment en psychiatrie, peut nécessiter de partager des informations concernant le malade. Cette tendance, tout en modifiant l’exercice des praticiens en fonction des évolutions sociétales, doit aussi être encadrée par le respect des principes garantissant la vie privée voire intime, des personnes dont ils ont la charge. Qu’il s’agisse d’enfants, de victimes de violences conjugales ou de personnes âgées dépendantes, le psychiatre se trouve face à des sujets de droit, pour lesquels il peut être amené à solliciter des mesures de protection.
Cette formation, qui vise à améliorer le positionnement professionnel en matière d’éthique et de responsabilité dans les situations de maltraitance et de violence, porte sur un temps de la démarche de protection des personnes vulnérables : le déclenchement de procédures spécifiques de protection, après repérage et décision sur la conduite à tenir, adaptée à la situation. Elle propose une actualisation des connaissances des psychiatres participants, portant sur les évolutions législatives récentes encadrant cet aspect de leur pratique : pour des personnes vivant en couple, dans les domaines des soins aux enfants et aux personnes âgées.
La notion de « partage d’informations » entre professionnels a été introduite dans la loi de mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. D’autres lois sont venues préciser les contours du « partage et de l’échange d’informations » et redéfinir « l’équipe de soins », pouvant désormais inclure des professionnels du champ social et médico-social autres que soignants. La loi de mars 2007 a réformé la protection de l’enfance. Elle crée des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) dépendantes du Conseil Général dans chaque département. Le terme de signalement est désormais réservé à l’information transmise au Procureur ou à son substitut. Depuis juillet 2020, la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales a modifié l’article 226-14 du code pénal en introduisant la possibilité pour le médecin de signaler des violences exercées au sein du couple.
Pour le praticien, la difficulté de se repérer au sein de ce corpus législatif se conjugue à celle de respecter le secret professionnel qui continue de s’imposer, et s’étend à un nombre croissant de catégories professionnelles, à mesure que se développent les pratiques « en réseau ». On étudiera donc également les questions éthiques, propres à chaque situation singulière, à se poser au moment de la décision de partager des informations, de transmettre une information préoccupante ou de signaler.
La session débutera par une présentation des trois intervenants qui sera suivie d’un tour de table avec présentation des participants, de leur expérience et de leurs attentes concernant la formation.
Dans un deuxième temps, on abordera une présentation du cadre légal et de son évolution récente en matière de secret professionnel, de partage d’information et de signalement.
Dans un troisième temps on abordera le domaine de la protection de l’enfance.
Ces vingt dernières années ont été marquées par une évolution constante de la législation en matière d’exceptions au secret professionnel, avec l’introduction des notions de « partage d’informations » et « d’information préoccupante ». On abordera d'abord le cadre légal, avec l'évolution des exceptions au secret professionnel et de l’article 226-14 du Code Pénal, la transmission d’une information préoccupante à la CRIP (Cellule départementale de Recueil des informations Préoccupantes).
Puis on développera une réflexion sur l’éthique de la décision dans le domaine de la protection de l’enfance, appuyée sur les notions d'intérêt supérieur et des droits de l’enfant, selon la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). On précisera comment définir différentes situations : enfant maltraité, enfant en risque de danger, enfant en danger. On posera quelques jalons pour l’évaluation, et l’on abordera la question de savoir si soigner peut se conjuguer avec évaluer. On étudiera les relations avec le Juge des Enfants et celles avec le Conseil de l’Ordre des Médecins.
Puis une vignette clinique sera présentée, afin de montrer la complexité de la réflexion nécessaire pour aboutir à la décision de transmettre une information préoccupante, qui est une étape dans un parcours de soin et d’accompagnement. On montrera comment les actions conjointes des différentes parties impliquées permettent que la transmission d’une information préoccupante aboutisse à une « ouverture de droits » au soutien à la parentalité et à la protection du développement de l’enfant.
Dans un quatrième temps on abordera la question des violences conjugales.
Cette séquence portera sur la nouvelle loi 2020-936 du 30/07/2020 concernant la possibilité pour un médecin de pratiquer un signalement concernant un adulte victime de violence conjugale. Elle introduit une dérogation nouvelle au secret professionnel : dans une situation de violence conjugale inquiétante, il devient possible d’effectuer un signalement, de plus sans obligation de recueillir le consentement de la victime. On étudiera notamment les articles 12 à 14 qui en cadrent très précisément les conditions d'utilisation.
On s'intéressera aux conditions de recours à cette possibilité, et particulièrement à la clause d’appréciation en conscience par le médecin, que ces conditions sont bien réunies. On étudiera pour cela : la déontologie (ensemble des réglementations organisant la pratique médicale), la morale (qui repose sur l’expérience et les convictions personnelles du médecin et détermine la prise de décision d’un acte thérapeutique selon des critères subjectifs), et l'éthique (qui développe une logique en place de l’intuition immédiate et établit ainsi un raisonnement partageable, pour infirmer ou confirmer la morale). Un exemple clinique illustrera cette représentation de la position éthique en relation à la pratique psychiatrique, pour montrer comment la nouvelle loi permet de passer d’une attitude morale à une recherche éthique argumentée, dans l’intérêt de la patiente concernée.
Dans un cinquième temps on étudiera les questionnements posés par la protection des personnes âgées.
Les situations des personnes âgées présentent des problématiques identiques à celles des majeurs plus jeunes. Des changements apparaissent lorsque s’installent les pertes d’autonomies et les dépendances. Le praticien en psychiatrie de la personne âgée peut avoir à faire face à des arbitrages difficiles, entre l’intérêt du patient, la position de la famille, et les relations avec les différents accompagnants institutionnels ou libéraux.
On rappellera les divers questionnements préalables nécessaires à l’évaluation de la situation de la personne âgée vulnérable : évaluation des manifestations neurocognitives tenant compte du contexte, choix de lieu de vie, refus de soins, emprises éventuellement installées au fur et à mesure que les fragilités deviennent des vulnérabilités, exploration d’une dangerosité pour soi-même et pour autrui, évaluation d’une éventuelle dangerosité à la conduite automobile, exploration de l’évolution de l’équilibre de couple et de l’équilibre familial incluant parfois des malveillances voire des maltraitances, désignation d’une personne de confiance, établissement de directives anticipées.
Le psychiatre doit être à l’écoute de l’inévitable accumulation de blessures narcissiques, et ne pas viser pas à imposer les divers accompagnements, mais à proposer une aide au vécu de l’avance en âge (vécu qui est toujours singulier), en respectant le cadre légal, en assurant la protection de la personne âgée si nécessaire, mais aussi en respectant sa place de sujet dans son histoire. Ces questions, centrées par celle du consentement en gérontologie clinique, placent le psychiatre dans une posture singulière, dans ce travail en équipe qui prend de plus en plus de place avec l’avancée en âge.
En conclusion la formation se terminera par un retour des intervenants sur les points-clés de la formation et un tour de table pour recueillir les remarques des participants.
Objectifs
Améliorer le traitement des situations de maltraitance et de violence en pratique psychiatrique courante : fournir aux participants les éléments permettant d’acquérir ou actualiser leurs connaissances quant aux articles de lois récents définissant le partage d’information, l’équipe de soins, l’information préoccupante et les signalements ; développer leur aptitude à en repérer les nuances et les contradictions.
Sensibiliser à la culture du signalement des informations préoccupantes, développer la compréhension des enjeux et l’action en faveur d’une prévention de l’aggravation des situations.
Apporter les éléments permettant aux participants de différencier précisément partage d’informations, transmission d’information préoccupante et signalement.
Développer le savoir-faire en matière de coopération pluridisciplinaire et institutionnelle, tout en précisant les places et rôles de chacun des intervenants.
Favoriser le développement et le recours à un corpus de connaissances et de culture partagé.
Développer une culture de la pluridisciplinarité, pour favoriser une approche multidisciplinaire et multidimensionnelle des situations, et garantir une cohérence et une coordination des interventions.
Acquérir ou développer une connaissance des enjeux pratiques et éthiques mobilisés par les évolutions récentes du cadre légal de l’exercice de la psychiatrie, dans le domaine de la maltraitance et de la violence.
Être formé à la connaissance et au savoir-faire en matière de respect du secret professionnel et de conditions du partage d’informations à caractère secret, en cohérence avec l’obligation de porter assistance aux personnes vulnérables.