Actualités sur les arboviroses (Chikungunya, Zika, Dengue)
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Objectifs professionnels
Le virus du chikungunya, transmis à l’homme par la piqûre du moustique tigre (Aedes albopictus) ou du moustique Aedes aegypti, provoque chez les patients des douleurs articulaires aiguës qui peuvent être persistantes. Les traitements existants sont uniquement symptomatiques. La maladie est endémique principalement en Asie du Sud et en Afrique. En 2005, une importante épidémie de chikungunya a touché les îles de l’Océan Indien et notamment, l’Île de La Réunion, avec plusieurs centaines de milliers de cas déclarés. En 2007, la maladie a fait son apparition en Europe, où un des moustiques vecteurs, Aedes albopictus, s’est établi. Les premiers cas autochtones dans le Sud de la France ont été recensés en 2010. Fin 2013 et en 2014, le chikungunya s’est propagé aux Antilles et a atteint le continent américain.
ACTUELLEMENT EN FRANCE, 30 DÉPARTEMENTS RASSEMBLENT TOUTES LES CONDITIONS PROPICES À L’ÉMERGENCE DU CHIKUNGUNYA :
• LA PRÉSENCE DU MOUSTIQUE VECTEUR DANS LA RÉGION,
• LA TEMPÉRATURE ET L’HUMIDITÉ FAVORABLES À L’ÉCLOSION DES ŒUFS
• DE NOMBREUX VOYAGEURS REVENANT DE PAYS OÙ LE VIRUS DU CHIKUNGUNYA CIRCULE.
Causes
Le virus chikungunya est un arbovirus (virus transmis par les arthropodes) dont les vecteurs sont des moustiques femelles du genre Aedes qui sont identifiables grâce à la présence de rayures noires et blanches. Les deux espèces incriminées sont Aedes aegypti et Aedes albopictus. Aedes albopictus est présent dans le sud de la France et Aedes aegypti dans les départements ultramarins (Antilles, Guyane), la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Ces deux moustiques sont également impliqués dans la transmission d’autres arbovirus, notamment la dengue, la fièvre jaune et le virus Zika.
Symptômes
Une infection fortement invalidante
En langue Makondée, chikungunya signifie « qui marche courbé en avant », et évoque la posture adoptée par les malades en raison d'intenses douleurs articulaires.
L’infection à virus chikungunya entraine en effet, après un délai d’incubation de 2 à 10 jours, des atteintes articulaires, souvent très invalidantes, concernant principalement les petites ceintures articulaires (poignets, doigts, chevilles, pieds) mais aussi les genoux et plus rarement, les hanches ou les épaules. A cette atteinte articulaire s’associent fréquemment des maux de tête, accompagnés de fièvre, des douleurs musculaires importantes, une éruption cutanée au niveau du tronc et des membres, une inflammation d’un ou plusieurs ganglion(s) lymphatiques cervicaux ou encore une conjonctivite.
Des saignements des gencives ou du nez ont en outre été fréquemment décrits, principalement en Asie.
Alors que les formes sévères de chikungunya n’étaient qu’exceptionnellement décrites dans les zones historiques d’endémie (Afrique, Asie), l’épidémie de 2005 survenue sur l’Ile de La Réunion a permis de montrer l’existence de formes neurologiques graves, notamment des méningo-encéphalites et des atteintes des nerfs périphériques. Ces dernières sont principalement rencontrées chez des personnes âgées, ou au système immunitaire affaibli, et chez des nouveau-nés, infectés in utero alors de l'infection de la mère.
Rémission et séquelles
Habituellement, la rémission des symptômes cliniques est assez rapide avec la disparition en quelques jours de la fièvre et des manifestations cutanées mais les signes articulaires peuvent perdurer sur plusieurs semaines. Il ne semble pas que l’infection par le virus chikungunya soit la cause directe des quelques cas mortels rapportés lors des épidémies.
L’atteinte articulaire peut durer sur un mode subaigu ou chronique pendant plusieurs mois voire plusieurs années, et ceci d’autant plus fréquemment que l’âge du malade est avancé : selon une étude rétrospective sud-africaine, elle concernerait 10% des patients 3 à 5 ans après une infection aiguë au virus chikungunya.
Epidémiologie
La première épidémie due au virus chikungunya a été décrite sur le continent africain, en Tanzanie en 1952. L’infection par le virus chikungunya a depuis continué à évoluer sur un mode endémo-épidémique sur les continents africain et asiatique, en particulier en Inde depuis 2006 (environ 2 millions de cas avérés et suspects) et dans l’Océan Indien. En 2007, le chikungunya a également fait sont apparition en Europe, touchant plusieurs centaines de personnes durant le mois de septembre dans le Nord-Est de l’Italie. En 2010, les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été recensés en France, dans le Var. En 2011, la Nouvelle-Calédonie est touchée, en décembre 2013 une épidémie se déclare dans les Antilles, à Saint-Martin ; elle va se propager dans le reste de la Caraïbe puis sur le continent américain. Enfin, la Polynésie française est atteinte en 2014.
Europe
Aujourd’hui, l’hypothèse d’une dissémination du virus du chikungunya n’est pas à exclure dans les régions tempérées d’Europe où le moustique vecteur Aedes albopictus - dit le moustique tigre - est établi, notamment en Italie et dans le sud de la France. En septembre 2007, une flambée épidémique est survenue en Italie, dans la région de Ravenne (Nord-Est), touchant environ 300 personnes. Elle aurait été introduite par un voyageur en provenance d’Inde. Les deux premiers cas autochtones de chikungunya en France ont été détectés en 2010 dans le Var puis en octobre 2014, 12 autres cas autochtones ont été observés à Montpellier. Le risque que la dengue et le chikungunya se propagent en Europe du sud est donc surveillé par les autorités de santé. En conséquence, l’infection à chikungunya a été ajoutée à la liste des maladies à déclaration obligatoire et depuis janvier 2006, un dispositif de surveillance renforcée a été mis en place.
Afrique et Asie
L’aire de distribution du virus du chikungunya s’étend à toute l’Afrique sub-saharienne et à l’Asie du Sud-Est. En Afrique, le virus est maintenu au sein d’un cycle forestier faisant intervenir des primates et des moustiques sylvatiques (Aedes luteocephalus, Aedes furcifer ou Aedes taylori). En Asie, où son introduction serait plus récente, le virus circule dans un cycle essentiellement urbain qui implique les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus.
Depuis sa description initiale en Tanzanie, le virus chikungunya a été régulièrement à l’origine de petites poussées épidémiques cycliques en milieu rural, principalement en Afrique australe et de l’Est, de l’Ouganda à l’Afrique du Sud et en Afrique Centrale. Sur ce continent, la dernière épidémie importante est survenue en 2007 au Gabon, avec 5000 cas suspectés. Le virus chikungunya est plus rarement trouvé en Afrique de l’Ouest, en particulier au Sénégal. Il est considéré comme endémique en milieu rural en Afrique, où il est probablement responsable de nombreux cas non diagnostiqués.
Parallèlement, des poussées épidémiques ont été observées en Inde, au Sri Lanka, en Asie Sud-Est (Thaïlande, Myanmar, Vietnam, Laos, Cambodge, Indonésie, plus récemment Malaisie) et aux Philippines. Quelques cas sporadiques ont été signalés à Singapour en 2009. Une importante vague épidémique frappe l’Inde depuis janvier 2006 avec quelque deux millions de cas suspectés enregistrés à ce jour. La fréquence plus importante des épidémies en Asie peut être reliée au caractère anthropophile des moustiques vecteurs en cause.
Océan Indien
Dans l’Océan Indien, aucune activité du virus chikungunya n’avait été détectée avant le début de l’année 2005. Le virus, vraisemblablement originaire d’Afrique de l’Est, a provoqué une première épidémie aux Comores. La transmission du virus a probablement été assurée par le moustique Aedes aegypti qui est prédominant dans cet archipel.
En mars 2005, l’épidémie s’est propagée rapidement dans l’île de La Réunion à partir du Nord-Ouest, avec une flambée importante entre fin avril et début juin puis une persistance de la transmission virale durant l’hiver austral. Sur cette île, la transmission du virus est assurée principalement par le moustiqueAedes albopictus qui s’y est répandu grâce à sa grande plasticité écologique puisqu’il colonise indifféremment les zones urbaines et selvatiques, les gîtes artificiels et naturels. Au total, environ 270 000 personnes auraient été infectées, pour une population totale de 750 000 habitants. En parallèle, dès fin mars 2005, les îles Seychelles, Maurice et Mayotte ont été également touchées par l’épidémie de virus chikungunya, avec une augmentation des cas dès janvier 2006. Madagascar a également connu une circulation active du virus. Au printemps 2010, le chikungunya a à nouveau fait parler de lui sur l’Ile de La Réunion, avec une vingtaine de cas confirmés.
Amérique
Deux cas d’importation en provenance de Madagascar ont été identifiés en Guyane française en mars 2006, soulignant le risque d’émergence du virus dans les territoires français des Amériques. En décembre 2013, l’épidémie s’est déclarée aux Antilles, à Saint-Martin, et a rapidement progressé. La Martinique et la Guadeloupe ont été très impactées et l’épidémie s’est ensuite propagée dans toute la Caraïbe pour finalement atteindre pour la première fois le continent américain et là aussi être à l’origine d’une forte épidémie.
Traitement et prévention
La prise en charge médicale est purement symptomatique, reposant sur des traitements anti-douleurs et anti-inflammatoires. Ces traitements n’ont cependant aucun effet préventif sur la survenue d’une évolution chronique. Une corticothérapie peut s’avérer nécessaire dans les formes sévères d’évolution subaiguë – chronique.
La prévention de cette infection est à la fois collective et individuelle, reposant sur la lutte anti-vectorielle. A l’échelle individuelle, il s’agit de limiter sa propre exposition au moustique vecteur, en portant des vêtements longs, en s’appliquant des répulsifs cutanés, et en utilisant des insecticides sur les vêtements et les moustiquaires. Collectivement, une lutte anti-vectorielle à large échelle consiste en des épandages précautionneux d’insecticides et une élimination des gîtes larvaires potentiels, particulièrement autour des habitations (pots de fleur, récipients divers, pneus usagés, déchets encombrants, etc.).
A l’Institut Pasteur
La riposte de l’Institut Pasteur face au chikungunya, dès le début de l’épidémie en 2005, illustre les capacités de mobilisation et la réactivité des chercheurs. L’Institut Pasteur à Paris a lancé un vaste programme de recherches sur le virus chikungunya qui a impliqué une douzaine d’équipes coordonnées par Félix Rey, alors directeur du département de virologie. En un temps record, des tests de diagnostic ont notamment été mis au point, l’histoire évolutive du virus retracée, les génomes de plusieurs souches virales séquencés, et l’origine de l’épidémie identifiée. Les scientifiques ont aussi mis au point un modèle animal de la maladie, élaboré un candidat-vaccin et identifié des cellules humaines cibles du virus et des gènes capables de contrôler l’infection. D’autres études ont également permis l’identification des facteurs de virulence du virus, et de comprendre l’aptitude du moustique Aedes albopictus à transmettre le virus.
Aujourd’hui, une dizaine d’équipes se consacrent toujours à l’étude de la maladie. L’unité Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes, dirigée Philippe Desprès, étudie plus particulièrement les mécanismes d’évasion du virus chikungunya aux mécanismes de défense anti-virale de la cellule hôte. Elle est impliquée dans le projet KerARBO, un programme financé en 2012 par l’Agence Nationale pour la Recherche et coordonné par l’IRD à Montpellier. Celui-ci vise à comprendre les mécanismes de réplication du virus chikungunya au site même d’inoculation du virus par le moustique, c’est à dire au niveau de la peau, et de concevoir des stratégies de lutte anti-virale innovantes. L’unité a développé par ailleurs, en collaboration avec la Cellule d’intervention biologique d’urgence à l’Institut Pasteur, une plate-forme technologique novatrice qui permet les études de prévalence du chikungunya parmi les populations des régions endémiques, procédé qui a été breveté.
Un candidat-vaccin contre le virus chikungunya a été élaboré conjointement avec l'unité de Génomique virale et vaccination, dirigée par Frédéric Tangy. Il s’agit d’un vecteur dérivé du vaccin contre la rougeole exprimant un antigène du virus chikungunya. Un essai clinique de phase I réalisé en 2014 a permis de démontrer l’innocuité et l’immunogénicité du candidat vaccin chez l’homme.
Anna-Bella Failloux et son unité Arbovirus et insectes vecteurs étudient l’aptitude des moustiques à transmettre la maladie du chikungunya à l’homme. Depuis le début de l’épidémie de 2005, l’équipe a obtenu des résultats qui permettent de mieux comprendre l’ampleur de la flambée. L’équipe a notamment déterminé que le temps nécessaire au virus pour parcourir le chemin entre l’infection avec la prise du virus chez un malade et sa présence dans les glandes salivaires du moustique prêt à être libéré avec la salive de moustique est très court, environ deux jours. Ce résultat est à la base de l’élaboration de stratégies de lutte contre le moustique tigre. Ce groupe a également démontré que le moustique tigre pouvait être infecté en même temps par le virus du chikungunya et le virus de la dengue et transmettre ces deux virus simultanément lors d’une piqûre.
Récemment, plusieurs équipes de l’Institut Pasteur, coordonnées par Antoine Gessain, se sont associées au sein du programme Transversal de Recherche DEVA. Ce dernier a permis de développer sur le campus de l’Institut Pasteur à Paris un outil de diagnostic moléculaire pour les virus chikungunya, de la dengue et du West Nile. Il s’agit d’une puce à ADN qui permet d’effectuer le diagnostic de l’infection virale aiguë à partir d’un liquide biologique comme le sang ou le sérum. Cette puce est aussi capable de caractériser le génome du ou des virus présent(s) dans l’échantillon biologique infecté.
DENGUE
La dengue, aussi appelée « grippe tropicale », est une maladie virale transmise à l’homme par des moustiques du genre Aedes. L’incidence de la dengue progresse actuellement de manière très importante, et l’inscrit aujourd’hui aux rangs des maladies dites «ré-émergentes». L’OMS estime à 50 millions le nombre de cas annuels, dont 500 000 cas de dengue hémorragique qui sont mortels dans plus de 2,5% des cas. Deux milliards et demi de personnes vivent dans des zones à risque. Initialement présente dans les zones tropicales et subtropicales du monde, la dengue a désormais touché l’Europe où les 2 premiers cas autochtones ont été recensés en 2010. En 2014, le moustique vecteur est implanté dans 18 départements français. Le risque de propagation sera réel si des personnes infectées arrivent en France métropolitaine
50 MILLIONS DE CAS DE DENGUE ESTIMÉS PAR AN, DANS LE MONDE
DONT 500 000 CAS DE DENGUE HÉMORRAGIQUE
Causes et origines
La dengue est due à un arbovirus (virus transmis par les insectes), appartenant à la famille des Flaviviridae, du genre flavivirus, comme le virus West Nile et de la fièvre jaune. Il est transmis à l’homme par les moustiques du genre Aedes lors d’un repas sanguin. Les souches du virus de la dengue se répartissent en quatre sérotypes distincts : DEN-1, DEN-2, DEN-3 et DEN-4. L’immunité acquise en réponse à l’infection par l’un des sérotypes confère une immunité protectrice contre le sérotype infectant mais pas contre les autres sérotypes. En conséquence, un individu est susceptible d’être infecté par chacun des quatre sérotypes de la dengue au cours de sa vie. Des infections ultérieures par d’autres sérotypes accroissent le risque de développer une dengue sévère, dite hémorragique. Un vaccin efficace contre la dengue devra donc être en capacité de conférer une immunité protectrice contre l’ensemble des sérotypes.
Symptômes
La dengue classique
La dengue « classique » se manifeste brutalement après 2 à 7 jours d’incubation par l’apparition d’une forte fièvre souvent accompagnée de maux de tête, de nausées, de vomissements, de douleurs articulaires et musculaires et d’une éruption cutanée ressemblant à celle de la rougeole. Au bout de 3 à 4 jours, une brève rémission est observée, puis les symptômes s’intensifient - des hémorragies conjonctivales, des saignements de nez ou des ecchymoses pouvant survenir - avant de régresser rapidement au bout d’une semaine. La guérison s’accompagne d’une convalescence d’une quinzaine de jours. La dengue classique, bien que fort invalidante, n’est pas considérée comme une maladie sévère comme l’est la dengue hémorragique.
Les complications - la dengue hémorragique
Chez certains patients, pour des raisons mal élucidées, le tableau clinique de la maladie peut évoluer selon deux formes graves : la dengue hémorragique puis la dengue avec syndrome de choc qui est mortelle.
La forme hémorragique de la maladie, qui représente environ 1% des cas de dengue dans le monde, est extrêmement sévère : la fièvre persiste et des hémorragies multiples, notamment gastro-intestinales, cutanées et cérébrales, surviennent souvent. Chez les enfants de moins de quinze ans notamment, un état de choc hypovolémique peut cependant s’installer (refroidissement, moiteur de la peau et pouls imperceptible signalant une défaillance circulatoire), entrainer des douleurs abdominales, et, sans perfusion, provoquer la mort. Dans tous les cas, un diagnostic virologique, précis et rapide, est utile afin de confirmer l’étiologie à la fois pour la prise en charge des patients et pour les systèmes de surveillance de santé publique afin de lancer l’alerte et renforcer les moyens de lutte anti-vectorielle.
Epidémiologie
La dengue est aujourd’hui considérée comme une maladie réémergente. Avec la globalisation de l’économie et l’augmentation des échanges des biens et des personnes, elle tend à gagner de nouvelles zones géographiques, se développe de plus en plus dans des environnements urbains, et provoque des épidémies de plus grandes importances. Les formes graves de dengue sont de plus en plus fréquemment observées lors des épidémies récentes.
Une maladie d’origine tropicale
La dengue sévit principalement dans l’ensemble de la zone intertropicale. Longtemps limitée à l’Asie du Sud-est (440 000 cas en Chine en 1980, 200 000 cas en Thaïlande en 198
7-, elle ne cesse de s’étendre à l’Océan Indien, au Pacifique Sud (32 800 cas à Tahiti, Moorea, et en Polynésie Française, en 2001-, aux Antilles françaises (2003 et 2006-2008 et 2009-201
0-, et à l’Amérique Latine, où les cas annuels rapportés ont été multipliés par 60 entre 1989 et 1993 comparativement à la période précédente (1984-198
8-.
Depuis fin 2009, la maladie sévit sur un mode épidémique aux Antilles. En 2010, la dengue est à l’origine de 86 000 cas en Martinique et Guadeloupe (source InVS). En 2011 et 2012, l’épidémie ne se déclare pas.
Les premiers cas de dengue hémorragique sont apparus à Cuba et dans les Caraïbes en 1981, puis de nouveau en 1996, à Cuba, après 15 années d’interruption. En 2013, l’épidémie est déclarée en Guyane. Cette année là, la région des Amériques a signalé à elle seule 2,35 millions de cas, dont 37 687 cas de dengue sévère. Cette inquiétante résurgence de la dengue en Amérique Latine et dans les Caraïbes semble liée à l’efficacité relative des programmes d’éradication du moustique vecteur dans cette région du globe. La croissance démographique, l’urbanisation non contrôlée, les catastrophes naturelles et la paupérisation des populations touchées par la maladie semblent également en cause. La dengue a un impact économique majeur pour les pays où elle sévit.
Vers une colonisation des zones tempérées
Ces dernières années, Aedes albopictus, vecteur secondaire de la dengue en Asie, s’est implanté en Amérique du Nord et en Europe, y compris en France. Sa période d’activité dans ces régions se situe entre le 1er mai et le 30 novembre mais il peut subsister grâce à sa résistance aux températures basses et à sa capacité d’hibernation. Désormais, le risque de transmission de la dengue est devenu une réalité. En 2010 à Nice en France, les 2 premiers cas autochtones de dengue ont été détectés. En 2012, une flambée sur l’archipel de Madère (Portugal) a provoqué plus de 2000 cas et des cas importés ont été détectés dans 10 autres pays européens, en dehors du Portugal continental.
Les dernières données épidémiologiques
D’après l’OMS, en 2013, des cas ont été rapportés en Floride (États-Unis d’Amérique) et dans la province du Yunnan (Chine). La dengue a continué de sévir dans plusieurs pays d’Amérique latine, notamment au Honduras, au Costa Rica et au Mexique. En Asie, Singapour a notifié une augmentation du nombre des cas après une absence de cas de plusieurs années et des flambées ont également été signalées au Laos. En 2014, les tendances indiquent une augmentation du nombre de cas dans les îles Cook, en Malaisie, à Fidji et à Vanuatu, le virus de type 3 (DEN
3- touchant les pays insulaires du Pacifique après une absence de dix ans.
Moyens de lutte
Il n’existe aujourd’hui ni traitement spécifique ni vaccin commercialisé pour combattre cette maladie, mais de nombreuses études multi-disciplinaires sont en cours. Les seuls moyens de lutte existants sont le contrôle des moustiques vecteurs dans les zones concernées et la protection individuelle contre les piqûres de moustiques.
A l’Institut Pasteur
La dengue est une maladie très étudiée à l’Institut Pasteur. Plusieurs équipes travaillent sur des thématiques complémentaires et pluridisciplinaires dans les domaines de la recherche fondamentale comme appliquée. Ces équipes sont rassemblées en un groupe de travail transversal, codirigé par Anavaj Sakuntabhai et Frédéric Tangy, déployant une stratégie sur les différents aspects de l’épidémie dans le but de la stopper. Il s’agit de développer conjointement des outils thérapeutiques innovants : un nouveau candidat vaccin, des marqueurs de pronostic, et une stratégie de contrôle des vecteurs du virus.
L’unité Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes, dirigée Philippe Desprès, mène de nombreux travaux, notamment sur la physiologie de l’infection ou sur la recherche de nouvelles thérapies vaccinales et antivirales. Cette dernière est impliquée dans le projet KerARBO, un programme financé en 2012 par l’Agence Nationale pour la Recherche et coordonné par l’IRD à Montpellier. Le programme KerARBO vise à comprendre les mécanismes de réplication du virus au site même d’inoculation du virus par la salive du moustique, c’est à dire au niveau de la peau. Il a également pour objectif de mieux comprendre les interactions entre le moustique vecteur, Aedes albopictus, et le serotype 4 du virus de la dengue, notamment en développant des approches protéomiques au niveau des barrières de l’infection chez le moustique. L’ensemble de ces approches devraient permettre d’identifier de nouvelles pistes pour concevoir des stratégies de lutte anti-virales innovantes. L’unité Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes a développé par ailleurs, en collaboration avec la Cellule d’intervention biologique d’urgence à l’Institut Pasteur, une plate-forme technologique novatrice qui permet les études de prévalence de la dengue parmi les populations des régions endémiques, procédé qui a été breveté.
Un candidat-vaccin a été élaboré conjointement avec l’unité de Génomique virale et vaccination, dirigée par Frédéric Tangy. Il s’agit d’un vaccin dérivé de celui de la rougeole qui est un des vaccins les plus sûrs et efficaces pour protéger les enfants. Le candidat-vaccin a la spécificité d’être dirigé contre les quatre sérotypes de la dengue. De plus, il est capable de déclencher à la fois une réponse immunitaire via la production d’anticorps et une réponse dite cellulaire (réquisition des lymphocytes T CD
8-. Ce vaccin fait l’objet d’un essai pré-clinique chez l’animal, en collaboration avec la société THEMIS Biosciences, en Autriche.
Anavaj Sakuntabhai, chef de l’unité Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses, coordonne par ailleurs depuis janvier 2012 un ambitieux projet international financé par la Commission européenne, appelé DENFREE, qui vise à mieux comprendre, et donc contenir, les épidémies de dengue qui progressent très rapidement vers des régions où la maladie n’était traditionnellement pas connue, dont l’Europe. Les chercheurs espèrent notamment que les résultats apportés par le programme DENFREE permettront, à terme, d’évaluer le risque potentiels de l’émergence d’épidémies, de déterminer quelles méthodes de contrôle des moustiques sont efficaces, et de mettre au point un test de diagnostic plus sensible et plus spécifique que celui qui existe actuellement.
Le laboratoire Arbovirus et insectes vecteurs, que dirige Anna-Bella Failloux, s’intéresse au cycle viral au sein des moustiques vecteurs, et à leur aptitude à transmettre le virus. Cette équipe a démontré que le moustique tigre Aedes albopictus présent dans le sud de la France était aussi efficace que le vecteur traditionnel Aedes aegypti à transmettre le virus de la dengue ; ce résultat interrogeant sur les performances d’un système vectoriel « tempéré ».
Le pôle de Génotypage des Pathogènes, dirigé par Valérie Caro, est en charge du séquençage des souches virales, et intervient en collaboration avec les autres unités du campus.
L’unité de Felix Rey (Virologie structurale) travaille quant à elle sur la structure 3D du virus, et tente, par cette approche, de déterminer des drogues bloquant le virus.
L’équipe de Hugues Bédouelle, de l’unité de Recherche Prévention et Thérapie moléculaires des Maladies humaines a développé des antigènes recombinants du virus de la dengue qui permettent le diagnostic sérologique d’une infection récente par le virus de la dengue.
Récemment, plusieurs équipes de l’Institut Pasteur, coordonnées par Antoine Gessain, se sont associées au sein du programme transversal de recherche DEVA. Ce dernier a permis de développer sur le campus de l’Institut Pasteur de Paris un outil de diagnostic moléculaire pour les virus chikungunya, de la dengue et West Nile. Il s’agit d’une puce à ADN qui permet d’effectuer le diagnostic de l’infection virale aiguë à partir d’un liquide biologique comme le sang ou le sérum. Cette puce est aussi capable de caractériser le génome du ou des virus présent(s) dans l’échantillon biologique infecté.
Des études sont également menées au sein des instituts du Réseau international des Instituts Pasteur, entre lesquels les collaborations se sont mises en place sur la dengue : ce réseau présente l’avantage d’être une structure solidement implantée et reconnue en proximité des zones et population exposées au virus.
ZICA
Le virus Zika est un Flavivirus transmis par les moustiques du genre Aedes. Il est répandu en Asie et en Afrique, et a récemment émergé en Amérique centrale et en Amérique du Sud. La maladie qu’il provoque se manifeste trois à douze jours après la piqûre de l’insecte vecteur, par divers symptômes, évoquant ceux de la dengue ou du chikungunya, eux aussi véhiculés par ce même moustique : fièvre, maux de tête, éruption cutanée, fatigue, douleurs musculaires et articulaires … Silencieuse chez la plupart des personnes infectées, elle reste le plus souvent bénigne, et peut durer jusqu’à une semaine. Chez le foetus, transmis à la femme enceinte, le virus pourrait en revanche être à l'origine d'une malformation sévère, la microcéphalie, responsable d'un retard mental irréversible. Il n’existe actuellement pas de vaccin, ni de traitement spécifique de la virose Zika. Les seuls traitements disponibles sont symptomatiques.
EN AVRIL 2016, EN FRANCE MÉTROPOLITAINE, 176 CAS ÉTAIENT CONFIRMÉS, CHEZ DES PERSONNES REVENANT DE ZONE DE CIRCULATION DU VIRUS ZIKA, DONT 7 FEMMES ENCEINTES ET 1 CAS DE COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES
Causes
La fièvre Zika est due à un arbovirus (virus transmis par les insectes), appartenant à la famille des Flaviviridae, du genre flavivirus, comme les virus de la dengue ou encore de la fièvre jaune. L’insecte vecteur de la maladie est le moustique femelle du genre Aedes qui est identifiable grâce à la présence de rayures noires et blanches sur ses pattes. L’espèce actuellement capable de transmettre le virus Zika est l’Aedes aegypti, originaire d’Afrique. L’Aedes albopictus (moustique tigre, originaire d’Asie) pourrait s’avérer également être un vecteur du virus Zika, comme il l’est déjà pour la dengue et le chikungunya (lire l'actualité du 04/03/2016 : Zika : le moustique Aedes peu compétent pour la transmission du virus)
Le moustique est infecté par le virus lors d’un repas sanguin, quand il pique une personne porteuse du Zika. Le virus se multiplie au sein du moustique sans conséquence pour l’insecte. Puis, lors d’une prochaine piqûre, le moustique déverse le virus dans le sang d’une nouvelle personne. Les symptômes apparaissent 3 à 12 jours après la piqûre, mais durant ce laps de temps la personne peut être à l’origine de l’infection d’autres moustiques si elle se fait piquer à nouveau. C'est pourquoi les malades atteints du Zika doivent éviter d’être piqués afin d’interrompre le cycle de transmission virale.
Symptômes
La majorité des personnes infectées par le virus (on estime 70 à 80% des cas) ne développent aucun symptôme. Dans le reste de la population, les symptômes provoqués par le virus Zika sont de type grippal : fatigue, fièvre (pas nécessairement forte), maux de tête, douleurs musculaires et articulaires dans les membres. A ces symptômes s’ajoutent différents types d’éruptions cutanées. Une conjonctivite, une douleur derrière les yeux, des troubles digestifs ou encore des œdèmes des mains ou des pieds peuvent apparaitre. Dans la plupart des cas, les troubles sont modérés et ne nécessitent pas d’hospitalisation.
Ces symptômes étant peu spécifiques, et le virus Zika se trouvant dans les mêmes régions que ceux de la dengue et du chikungunya, rendent difficile le diagnostic exact.
Complications
Les complications sont peu fréquentes mais dans le cas d’une importante épidémie, elles ne doivent être négligées. Certains cas de complications neurologiques post-infectieuses, de type syndrome de Guillain-Barré, ont été constatés au Brésil et en Polynésie française. Ce syndrome se caractérise par une paralysie ascendante progressive qui peut atteindre les muscles respiratoires (lire le communiqué de presse du 01/03/2016 : Zika : confirmation d’un lien de causalité entre le virus Zika et les syndromes de Guillain-Barré)
Les femmes enceintes risquent de transmettre le virus au fœtus, ce qui peut engendrer de graves anomalies du développement cérébral chez l’enfant (lire le communiqué de presse du 16/03/2016 : Zika et microcéphalie : le premier trimestre de grossesse est le plus critique)
Epidémiologie
Le virus Zika est détecté pour la première fois chez un singe en Ouganda en 1947. Un an plus tard, il est isolé dans la même région chez un moustique Aedes.
Les premiers cas humains apparaissent dans les années 1970 dans d’autres pays d’Afrique (Ouganda, Tanzanie, Égypte, République centrafricaine, Sierra Leone, Gabon et Sénégal), puis, dans certains pays d’Asie (Inde, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Viêt Nam et Indonésie).
En 2007, une réelle épidémie s'est déclarée en Micronésie (Ile de Yap dans le Pacifique), causant 5 000 infections.
En 2013 et 2014, en Polynésie française, 55 000 cas de Zika ont été signalés. L’épidémie se propage ensuite dans d’autres îles du Pacifique et notamment, la Nouvelle-Calédonie, les îles Cook et l’île de Pâques.
Le virus Zika est détecté pour la première fois dans le Nord-Ouest du Brésil en mai 2015 et sa présence s'étend très rapidement dans les autres régions du pays. Le Brésil rapporte le plus grand nombre de cas de Zika jamais décrit jusqu’à présent : entre 440 000 à 1 500 000 cas suspects rapportés.
Le virus est présent depuis octobre 2015 en Colombie, Salvador, Guatemala, Mexique, Panama, Paraguay, Surinam, Venezuela et Honduras.
En novembre 2015, l’Institut Pasteur de la Guyane confirme les premières détections de virus Zika au Surinam.
Le 18 décembre 2015, deux cas ont été détectés en Guyane française par l’Institut Pasteur de la Guyane. Deux cas ont été identifiés également en Martinique.
A la date du 7 avril 2016, la Martinique compte 16 650 cas évocateurs (en cours de confirmation biologique). La Guyane en compte 3 620 et la Guadeloupe 1 090.
En France métropolitaine, 176 cas ont été confirmés biologiquement chez des personnes revenant de zone de circulation du virus Zika, dont 7 femmes enceintes et 1 cas de complications neurologiques. Une personne a été infectée par le virus Zika par voie sexuelle. (source Invs)
L’expansion de la fièvre Zika pourrait avoir lieu dans les régions où le moustique Aedes est déjà implanté et où une personne déjà infectée par le Zika séjournerait. En France métropolitaine, le moustique Aedes albopictus (moustique tigre) est présent dans 30 départements. La période d’expansion vectorielle se produit en général au mois de mai et sa période d'activité (et donc le risque de transmission du virus) se situe entre mai et novembre.
Moyens de lutte contre la maladie
Traitement
Actuellement il n’existe pas de vaccin pour prévenir l'infection par le virus Zika, ni de médicament spécifique pour soigner la maladie.
Le traitement va consister à atténuer les symptômes douloureux, par la prise d’antalgiques. Toutefois, la prise d’aspirine est à éviter tant que le diagnostic n’a pas clairement écarté la possibilité d’une infection par le virus de la dengue, car dans ce cas l’action anticoagulante du médicament pourrait induire des saignements.
Diagnostic
Dès l’apparition des symptômes, des prélèvements de sang et d’urine doivent être effectués pour confirmer le diagnostic, grâce à une méthode de RT-PCR (Reverse Transcriptase - Polymerase Chain Reaction) qui permet de détecter la présence de gènes du virus.
En cas de doute après un résultat négatif par RT-PCR, un dosage sérologique pourra confirmer ou non la présence d’anticorps spécifiques du virus Zika.
Ces tests sont réalisés uniquement par les Centres nationaux de référence des arboviroses (CNR).
Prévention
La seule façon de se protéger de la maladie Zika est de se protéger des piqûres de moustiques de jour comme de nuit, en particulier en début et en fin de journée, périodes d’activité maximale du moustique, par des moyens physiques et chimiques : porter des vêtements couvrants (manches longues, pantalons), utiliser des produits répulsifs adaptés sur les vêtements et sur les parties découvertes du corps, utiliser des moustiquaires imprégnées d'insecticide et des diffuseurs électriques d’insecticides en intérieur.
Les femmes enceintes vivant dans les zones à risques doivent se protéger des piqûres de moustique par tous ces moyens, particulièrement pendant les deux premiers trimestres de la grossesse durant lesquels les risques de malformations fœtales sont les plus importants. Elles respecteront les précautions d'emploi recommandées dans leur cas, concernant les produits répulsifs.
Les femmes enceintes désirant se rendre dans une zone touchée par l’épidémie de Zika doivent évaluer les risques au préalable avec leur médecin traitant.
En parallèle de ces mesures de protection individuelle, la prévention de la maladie passe par la lutte contre la prolifération des moustiques. Pour cela, tous les gîtes potentiels pour le développement des larves de moustiques, c’est-à-dire les eaux stagnantes, doivent être éliminés : pots de fleurs, gouttières, pneus usagés, etc. Après chaque pluie notamment, il est recommandé de vider les rétentions d’eau qui peuvent se trouver autour de son lieu d'habitation.
A l’Institut Pasteur
Fort de son expertise historique dans le domaine des arboviroses, l’Institut Pasteur, ainsi que plusieurs instituts du Réseau international des instituts Pasteur, sont mobilisés depuis l’apparition des premiers cas pour lutter contre cette épidémie. Dès novembre 2015, l’Institut Pasteur de la Guyane a confirmé la première détection du virus au Surinam, et le 18 décembre 2015, il a identifié le premier cas en Guyane française. Après la confirmation de ces premiers cas cette même équipe a publié dans la revueThe Lancet le séquençage complet du génome du virus Zika responsable de cette épidémie, ce qui a permis de mettre en évidence l’homologie quasi complète avec les souches à l’origine de l’épidémie qui a sévi en 2013 et 2014 dans le Pacifique. Depuis 2015, l'Institut Pasteur travaille de manière étroite avec ses partenaires brésiliens, au travers d'un accord de coopération tripartite établi entre la Fiocruz, l'Université de Sao Paulo et l'Institut Pasteur. Il sollicite en parallèle ses équipes au sein du Réseau international des instituts Pasteur, qui travaillent avec de nombreuses institutions et organisations locales.
L’Institut Pasteur mobilise actuellement, au sein d'une task force coordonnée par Maria Van Kerkhove, plusieurs de ses unités de recherche pour développer des tests de diagnostic sérologique et moléculaire, travailler sur la conception de nouveaux vaccins et fournir des conseils sur les différentes options en matière de lutte contre les vecteurs. Ses équipes mènent également des études épidémiologiques, notamment afin de mieux comprendre les symptômes neurologiques observés chez les patients, et en particulier chez les femmes enceintes.
Développement d’outils de diagnostic moléculaire et sérologique
• La Cellule d'intervention biologique d'urgence (Cibu), dirigée par Jean-Claude Manuguerra, fait partie du Centre collaborateur de l'OMS de référence et de recherche pour les arbovirus et les fièvres hémorragiques virales. Elle est impliquée dans le diagnostic et la recherche sur le virus Zika au travers de plusieurs de ses équipes :
• Le Pôle d'identification virale (PIV) de la Cibu a mis au point et validé une technique de sérologie permettant de réaliser rapidement et à haut débit le diagnostic du virus Zika et d'autres arbovirus. Cette technologie a été déployée dans le Pacifique, en Asie et en Afrique, et est en cours de déploiement en Amérique du Sud, afin d'aider à lutter contre l'épidémie. D'autre part, le PIV développe actuellement un test moléculaire simple, rapide et peu coûteux permettant de gagner du temps et d'augmenter l'efficacité de prise en charge des patients.
• Le Pôle de génotypage des pathogènes (PGP) a quant à lui réalisé le séquençage de souches du virus Zika de l’épidémie en Polynésie française en 2013 et ayant circulé dans le Pacifique, en collaboration avec l’Institut Louis Malardé en Polynésie française. Par ailleurs, le PGP est partenaire de l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie pour le séquençage des isolats circulants actuellement dans le Pacifique, en Asie et en Afrique.
• L’unité Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses, dirigée par Anavaj Sakuntabhai, travaille sur la susceptibilité génétique à l’infection au virus Zika chez l’homme. En collaboration avec Amadou Sall (Institut Pasteur de Dakar), les chercheurs ont mesuré le taux d’anticorps de plusieurs arboviroses au sein d’une population locale. Par l'étude des gènes au sein des familles, ils cherchent à identifier une région du génome contenant un gène de résistance au virus Zika. Pour cela, ils vont tester des gènes candidats se situant dans cette région, grâce à des modèles d’infection in vitro. Ils étudient plusieurs modèles de souris pour identifier le mieux adapté, en collaboration avec l’unité de Génétique fonctionnelle de la souris.
• L’Institut Pasteur de la Guyane héberge au sein du laboratoire de virologie, dirigé par Dominique Rousset, le Centre national de référence des Arbovirus, laboratoire associé pour la région Antilles-Guyane. Le laboratoire est donc légitimement sollicité pour toute suspicion d’arbovirose et notamment les émergences dans les territoires français des Amériques. C’est ainsi que les chercheurs ont pu confirmer début novembre 2015, par PCR en temps réel, les 5 premiers cas au Surinam. C’est en décembre que le laboratoire a détecté de façon assez rapprochée d’abord des cas d’infection importés du Surinam puis, des cas autochtones.
Grâce à ces échantillons, les chercheurs de l’Institut Pasteur de la Guyane ont pu séquencer l’intégralité du génome de ce virus. Le résultat publié dans The Lancet le 7 janvier 2016, montre que le virus qui circule actuellement est très proche de celui qui circulait en Polynésie française en 2013-2014.
• En 2014, suite à l’épidémie de virus Zika qui a concerné la Nouvelle-Calédonie, l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie a dû faire face à un afflux important de demandes de diagnostic. Dans ce contexte, les chercheurs de l’unité Dengue et autres arboviroses, dirigée par Myrielle Dupont-Rouzeyrol, ont démontré que le virus Zika était détecté beaucoup plus tardivement dans les urines par rapport au sang et que cela pouvait permettre ainsi un meilleur diagnostic biologique des patients (Gourinat et al, 201
5-. Dans la prolongation de ces résultats préliminaires, les chercheurs collaborent à un projet avec l’Institut scientifique de santé publique (Belgique), l’Institut Pasteur de la Guyane et l’Institut Pasteur (Paris), qui vise à améliorer le diagnostic des arboviroses et plus particulièrement celui du virus Zika, en comparant l’utilisation des prélèvements d’urine et salive par rapport au prélèvement de sang. L’unité cordonne également avec l’Institut Pasteur de Dakar (et impliquant l’Institut Pasteur du Cambodge, l’Institut Pasteur du Laos, l’Institut Pasteur à Paris et l’Institut Louis Malardé) un projet visant à évaluer la capacité de différents moustiques à transmettre le virus Zika lors d’une piqûre et à étudier la diversité génétique du virus Zika en Afrique, Asie, Pacifique et Amériques.
• En Décembre 2015, l'Institut Pasteur de Dakar a transmis son savoir-faire et formé pendant quatre semaines les équipes de l'Université de Sao Paulo (USP) sur la culture d'isolats viraux, l'utilisation sur le terrain de son laboratoire mobile et les outils moléculaires et biologiques en vue du développement de tests diagnostiques spécifiques du virus Zika. Depuis, l'Institut Pasteur (à Paris et le Réseau international) a soutenu la création du Réseau de diversité génétique des virus (VGDN) qui a créé la force d'intervention Rede Zika, impliquant plus d'une trentaine de groupes de l'état de Sao Paulo, en collaboration avec des équipes nationales et internationales (Fiocruz, Unicamp, UNESP, Institut Butantan, Adolfo Lutz, Emilio Ribas...) et des Hôpitaux (Clinicas, Sao Joje do Rio Preto, Botucatu, Universitario, Unicamp...).
• Depuis mars 2016, l’Institut Pasteur de Madagascar est capable de diagnostiquer le virus Zika dans le cas d’une éventuelle épidémie à Madagascar. En effet, l’unité de Virologie, qui héberge le Laboratoire national de référence pour les arbovirus, a mis en place un test moléculaire pour détecter le virus Zika. Ce test pourra être utilisé pour identifier des potentiels individus infectés.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé Madagascar parmi les pays vulnérables. C’est pourquoi, les chercheurs de l’Institut Pasteur de Madagascar, en collaboration avec les équipes du Ministère de la santé publique, travaillent activement sur la construction d’un plan d’action en cas de survenue du virus Zika sur la Grande Ile. La complémentarité des expertises de l’Institut en virologie, épidémiologie, immunologie et entomologie, est un atout réel pour mieux comprendre l’émergence de ce virus et se préparer collectivement à une riposte.
Epidémiologie – comprendre le lien entre le virus Zika et les complications neurologiques
En collaboration avec le Bureau de veille sanitaire en Polynésie française, le Centre hospitalier de Polynésie française ainsi que l’Institut Louis Malardé, l’unité Epidémiologie des maladies émergentes (UEME), dirigée par Arnaud Fontanet à l’Institut Pasteur, travaille depuis janvier 2014 sur l’épidémie de Zika ayant touché la Polynésie française d’octobre 2013 à avril 2014.
Le projet, financé en partie par le LaBex IBEID, a confirmé le lien entre le virus Zika et l’augmentation nette de manifestations neurologiques graves à type de paralysie, appelés syndromes de Guillain-Barré (GBS), observée pendant la période épidémique du virus Zika. Ce travail a associé également les équipes de la Cellule d'intervention biologique d'urgence (CIBU) et de l'unité Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur. Les résultats ont été publiés dans The Lancet le 1er mars 2016.
Suite à l’augmentation suspecte de l’incidence des microcéphalies, l’UEME a travaillé également sur une description de l’incidence de cette malformation congénitale avant et après l’épidémie ainsi qu’à déterminer si l’infection par Zika de la femme au cours de la grossesse en est la cause, d’estimer la période de grossesse la plus à risque en cas d’infection ainsi que la probabilité de malformation chez l’enfant dont la mère aurait contracté le virus. Les chercheurs ont confirmé dans un article paru dans The Lancet le 16 mars 2026, que le risque de microcéphalie est de l’ordre de 1% pour un fœtus/nouveau-né dont la mère a été infectée par le virus Zika durant le premier trimestre de sa grossesse.
Recherche sur le moustique vecteur
En collaboration avec l'Institut Oswaldo Cruz à Rio de Janeiro (Brésil), les chercheurs de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs, dirigée par Anna-Bella Failloux, ont testé la réceptivité (la capacité à contracter le virus) des moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus du Brésil et de Floride où ces deux espèces cohabitent. Par ailleurs, ils ont évalué la compétence vectorielle (l’aptitude à transmettre le virus) d'Aedes aegypti de Guyane française, de Martinique et de Guadeloupe, où cette espèce est présente seule.
Ces populations de moustiques récemment récoltées sur le terrain ont été infectées en laboratoire de haute sécurité de niveau P3 avec le virus Zika de génotype asiatique qui provient de l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie. Ce virus est quasiment identique à celui qui circule actuellement en Amérique centrale et en Amérique du Sud.
Ces travaux ont permis de déterminer la contribution des deux espèces Aedes aegypti et Aedes albopictus dans la dynamique de l'épidémie de Zika dans les Amériques. Les résultats publiés dans PLoS Neglected Tropical Diseases montrent que bien qu’Aedes aegypti et Aedes albopictus soient tous deux capables de s’infecter et de disséminer le virus en leur sein, ils sont en revanche très peu compétents à transmettre le virus Zika au cours d’une piqûre. Ainsi, d’après les scientifiques, plus que la compétence vectorielle des moustiques d’Amérique, l’importante population humaine naïve sur le plan immunitaire pour ce nouveau virus vivant à proximité d’une forte densité de moustiques vecteurs pourrait plus probablement expliquer la diffusion rapide du virus Zika en Amérique.
Afin d’anticiper l’éventuelle implantation du virus Zika en France et en Europe, à l'image de ce qui s'est produit avec le chikungunya et la dengue (cas autochtones en France de chikungunya en 2010, 2014 ; et de dengue en 2010, 2014, et 201
5- avec une transmission par Aedes albopictus, les chercheurs ont testé deux populations d'Aedes aegypti de l'île de Madère et deux populations d'Aedes albopictus du Sud de la France (Nice et Bar-sur-Loup).
Ces deux projets ont été financés par le LaBex IBEID (dirigé par Pascale Cossart et Philippe Sansonetti) et le projet européen DENFREE (coordonné par Anavaj Sakuntabhai).
• L’équipe de l’unité d’Entomologie médicale, dirigée par Romain Girod au sein de l’Institut Pasteur de la Guyane, travaille à la mise au point de systèmes de piégeage couplés à des appâts sucrés pour la détection précoce de la circulation du virus Zika en Guyane. Il s’agit pour les chercheurs de tester, au laboratoire et sur le terrain, de nouveaux outils de surveillance entomologique et virologique dont l’objectif est d’identifier les zones et les périodes de transmission les plus propices au virus, afin de guider efficacement les actions de prévention et de lutte antivectorielle. Des travaux antérieurs menés dans le cadre de l’épidémie de chikungunya qui a touché la Guyane en 2014-2015, ont déjà montré les potentialités des outils développés. C’est dans cette continuité que les travaux actuels se poursuivent sur le virus Zika.
• Au sein de l’Institut Pasteur de la Guadeloupe, le laboratoire d’Entomologie médicale, dirigé par Anubis Vega-Rua, a participé à l’évaluation de la compétence vectorielle des populations de moustiques des Amériques vis-à-vis du virus Zika dans le cadre d'un projet coordonnée par Anna-Bella Failloux à l’Institut Pasteur à Paris. Le laboratoire a également été impliqué avec l’Agence régionale de la santé de Guadeloupe (ARS) dans des actions de sensibilisation sur le risque que représente le virus Zika pour la population guadeloupéenne. Actuellement le laboratoire et l’ARS sont en train de définir une nouvelle stratégie d’intervention et d’investigation entomologique qui pourrait être déployée en cas de détection de cas autochtones de Zika en Guadeloupe. Par ailleurs, le laboratoire de biologie médicale de l’Institut Pasteur de Guadeloupe réalise le diagnostic moléculaire des infections par le virus Zika.
• Le Groupe Arbovirus, au sein de la Cellule d’intervention biologique d’urgence (Institut Pasteur, Paris) s'intéresse à développer des modèles animaux afin de mieux comprendre les effets pathologiques observés chez l’homme. Par ailleurs, il cherche à mieux définir l’interaction entre le virus Zika et les moustiques Aedes aegypti (vecteur principal) et Aedes albopictus (vecteur potentiel d’émergence et/ou de propagation du virus au niveau mondial) afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la transmission vectorielle de ce virus et de pouvoir définir de nouvelles cibles pour bloquer l’infection de nouveaux hôtes vertébrés.